Hommage de Jean-Paul Cezard à Alain Acart
Alain ACART nous a quitté bien trop tôt ! Il avait encore plein de projets…
Alain posant dans la Marina de Figueira da Foz. Photo journal portugais As Beiras du 02/01/2023
C’est par un communiqué du lundi 2 janvier 2023 en provenance du Portugal que nous avons appris la triste nouvelle : « Un entraîneur de la section canoë-kayak de l'Associação Desportiva Naval Remo à Figueira da Foz est décédé, ce lundi, victime d’un arrêt cardiorespiratoire. Alain Acart, 71 ans, est décédé à l’issue d’une séance d’entraînement pour les jeunes du club. »
Fils de militaire, Alain aimait les choses claires et ordonnées. Militaire lui-même au Bataillon de Joinville, il a creusé son sillon, droit et profond, d’abord comme athlète puis comme moniteur de sport militaire et enfin comme sous-officier chef de la section canoé à la première brigade. Nombre d’athlètes passés par le BJ s’en souviennent avec émotion. Il ne cessera d’entraîner et restera toujours fidèle à son sport de prédilection. Pourtant, il en a tenté des aventures… Une formation de commando l’avait amené à pratiquer des sports extrêmes. Parachutisme : il avait à son actif des centaines de sauts et il était instructeur. Il m’avait d’ailleurs initié avec une certaine réticence car il avait assisté à plusieurs crash mortels qui l’avaient profondément marqué. Vous l’avez compris, le ciel, c’était aussi son truc alors, après sa retraite de militaire, il continuait à voler en ULM. Et cela jusqu’à maintenant d’où il nous regarde.
Ce qui est important, ne se voit pas forcément ! Alain était très observateur et plutôt taiseux - même s’il aimait faire la fête et danser ce qu’il faisait d’ailleurs très bien - mais mille choses bouillonnaient en lui. Il avait plein d’idées sur la technique, la tactique, la préparation physique, le matériel... Il était menuisier de formation, alors pagaies et bateaux en bois n’avaient aucun secret pour lui. Il reconnaissait à l’oeil et à l’oreille les bateaux performants, nerveux, vivants.
Parler d’Alain en tant qu’athlète de haut niveau c’est un peu parler de moi, veuillez m’en excuser par avance. Il m’avait demandé d’être son équipier de C2 au Bataillon de Joinville fin 1973 alors que j’étais champion de France junior en C1 et C2. Comme il avait participé aux JO de Munich en 1972, et étant de 2 ans son cadet, l’expérience était clairement de son côté. Au début, j’écoutais religieusement et je testais différentes options avec lui. Bref, notre carrière fut auréolée d’une médaille de bronze aux championnats du Monde de Mexico en 1974. Une malheureuse erreur tactique nous valut une élimination en demi-finale aux JO de Montréal en 1976. Enfin, un boycott des militaires lors des JO de Moscou en 1980 sonna la fin d’une magnifique collaboration. Notre course la plus aboutie se solda par une victoire sur 500m lors des régates internationales préolympiques de Nottingham où tout le gratin mondial était présent.
Entraîner, cela le démangeait ! Comme tout perfectionniste, il était souvent frustré, ce qui le stimulait encore plus. Ceci dit, il n’était pas avare de conseils pour qui savait le solliciter et notamment pour les jeunes de son club d’Auxerre. L’un des meilleurs clubs de France à l’époque. Au début des années 2000, c’est là qu’il flaira – vous savez, le flair du maquignon – le potentiel du jeune Cyrille Carré. On connaissait déjà la famille Carré père et fille de Mailly-la-ville mais
on ne connaissait pas encore le fils. Bonne pioche. Alain le prit sous son aile comme son propre fils et l’accompagna pendant 14 années. Si ce n’est pas une passion, qu’est-ce que c’est ? Il se chargea de l’entraînement bien sûr (physique-mental, technico-tactique) mais aussi de la programmation, des partenariats, de la communication et j’en passe… Résultat : trois participations aux JO dont une 6e place à pékin en finale A du K2 1.000m avec Philippe Colin. Deux titres aux Championnats du monde : en 2002 pour le titre junior en K1H 1.000m et en 2007 toujours avec Philippe Colin en K2H 1.000m. Sans compter ses succès en marathon où il excellait. Bref, une collaboration exemplaire.
Alain et Cyrille avec sa médaille de bronze du K1 1000m aux championnats du monde de Moscou en 2014. Photo journal Yonne Républicaine du 05/11/2016
Alain rêvait de gloire pour les autres. Se déplaçant régulièrement au Portugal pour y effectuer des stages ou suivre des compétitions notamment avec Cyrille, il avait trouvé un nouveau moyen de s’exprimer dans un environnement qui lui convenait bien en entraînant les jeunes du club de Figueira da Foz. Il avait en tête de nouveaux projets…
Dans ce panorama à peine esquissé, il ne faut pas oublier sa femme Aline, pharmacienne et artiste-peintre à ses heures, qui l’a accompagnée et soutenu dans cette remarquable épopée. Nous pensons à elle.
Ces extraits d’un poème de William Scott Holland correspondent à ce qu’Alain aurait pu nous dire en pareilles circonstances, ne pas dramatiser voire même tourner en dérision : « Ne pleurez pas si vous m’aimez, je suis seulement passé dans la pièce à côté… Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours !… Ne prenez pas un air solennel et triste, continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble… Le fil n’est pas coupé… Je vous attends. Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté. Essuyez vos larmes ! ».
Nous garderons d’Alain l’image d’un homme agréable, passionné, rigoureux et profondément altruiste véhiculant de vraies valeurs humaines. La FFCK et Sports de Pagaie lui exprime toute sa reconnaissance et adresse ses profondes condoléances à sa famille, à ses proches et amis.
Jean-Paul CEZARD